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Table des chapitres

Table des gravures

LES TROIS

MOUSQUETAIRES

ÉDITION DE GRAND LUXE

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CETTE ÉDITION

1o Un exemplaire unique sur papier des Manufactures impériales du Japon, accompagné des dessins originaux de M. Maurice Leloir et des fumés des deux cent cinquante bois gravés.

2o Cent cinquante exemplaires numérotés sur papier de Chine, dont cent avec les tirages à part de chaque gravure.

ALEXANDRE DUMAS

LES TROIS

MOUSQUETAIRES

AVEC UNE LETTRE D’ALEXANDRE DUMAS FILS

COMPOSITIONS

DE

MAURICE LELOIR

GRAVURES SUR BOIS DE J. HUYOT

TOME PREMIER

PARIS

CALMANN LÉVY, ÉDITEUR

ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES



3, RUE AUBER, 3

1894

LETTRE D’ALEXANDRE DUMAS FILS

Mon cher père,

Se souvient-on encore, dans le monde où tu es, des choses de notre monde, ou cette seconde vie, éternelle, n’existe-t-elle que dans notre imagination, enfantée, au milieu de nos reproches à l’existence, par notre terreur de ne plus être? La mort anéantit-elle complètement ceux qu’elle touche, et ceux qui demeurent sur la terre conservent-ils seuls le privilège de se souvenir? Ou le lien des âmes n’est-il jamais rompu entre ceux qui se sont aimés, même par la disparition de l’un des deux?

Nous en sommes toujours à nous poser ces questions devant la tombe des êtres qui nous sont restés chers, et les religions et les philosophies offriront encore pendant des milliers d’a

. . . . . . . . . . .  De rendre un corps aux éléments

Masse commune, où l’homme, en expirant, rapporte

Tout ce qu’en le créant la nature en emporte

Si la terre, si l’eau, si l’air et si le feu

Le formèrent aux mains du hasard ou de Dieu,

Le vent, en dispersant ma poussière en sa course,

Saura bien reporter chaque chose à sa source?

Était-ce toi qui parlais par la bouche du Sarrasin, et ta philosophie aboutissait-elle à cette conclusion matérialiste? Nous n’avons jamais discuté là-dessus, du temps que nous vivions côte à côte, et je crois bien que les spéculations métaphysiques ne t’ont jamais troublé. La Nature, dont tu étais une des forces, selon l’expression de Michelet, et la vie réelle suffisaient pleinement à tes puissantes facultés. Ton esprit, constamment au service de ton imagination inventive et féconde, éprise du fait et de l’action encore plus chez nos ancêtres que chez nos contemporains, n’avait nul souci de l’au-delà. A force de vivre avec les hommes des siècles écoulés, tu avais, pour ainsi dire, allongé ta vie en arrière; et tu t’en tenais à cette éternité positive, laissant aux savants, aux philosophes et aux religieux les controverses, d’ailleurs inutiles, sur le principe et la fin des choses. Une fois, dans les vers qui servent de préface à Antony, tu as émis un doute sur l’âme, mais c’était moins un hommage à ta raison qu’un sacrifice à la rime, et au scepticisme qui, purement littéraire à cette époque, cherche aujourd’hui à devenir scientifique.

Si l’éternité de l’âme est douteuse, la durée de l’humanité ne l’est pas, et il faut bien passer le temps. De là les discussions. Mais la vie individuelle est si courte et ce qui vient après est si long, qu’il est tout naturel que l’homme veuille savoir de quoi ce long temps sera rempli, et son instinct étant toujours de vouloir être plus heureux pendant l’heure qui s’avance qu’il ne l’a été pendant celle qui s’éloigne, il devait fatalement, en face de la Mort qui le dépouille de toutes ses petites joies et de toutes ses petites espérances, concevoir un état où il goûterait enfin une béatitude éternelle et complète. Aussi, en revient-il toujours à cette croyance sans garanties et reste-t-il sourd à toutes les propositions philosophiques qui pourraient l’en écarter sans lui rien do

Ton ardent amour du travail t’a constamment tenu en dehors de ces discussions desséchantes et stériles. Quand, par hasard, cet Infini, qui tourmentait Musset, sollicitait ta pensée, tu t’en remettais, et tout de suite, à la grande Harmonie qui préside aux mouvements de l’Univers et qui nous frappe de toutes parts. Qui a créé cet Univers? D’où vient-il? Où va-t-il? Tu ne t’en inquiétais pas. A quoi bon interroger ce qui ne répond jamais? L’Univers est, et nous sommes, voilà la certitude; il nous contient en lui et il est résumé en nous; rien ne peut plus nous dissocier; notre cause et notre destinée sont communes. La Puissance, quelque nom qu’on lui prête, qui a établi ces lois de l’Univers, où il n’y a pas une faute de composition ni de mise en œuvre, ne s’est pas plus trompée quand il s’est agi de l’homme que quand il s’est agi du reste, et si elle a fait la Mort, c’est que celle-ci est indispensable à son dessein et à sa conception des mondes. Il est impossible que cette Mort, commune à tous, et le seul fait certain de la vie, ne mène pas et ne serve pas à quelque chose de mieux dans l’évolution générale. Contentons-nous donc d’user de cette vie, en tâchant de la rendre aussi douce et utile que possible à ceux avec qui nous la supportons, et que la Mort fasse ensuite de nous ce qu’elle a reçu mission d’en faire.

Pourquoi toutes ces réflexions philosophiques à propos des Trois Mousquetaires qui étaient, encore moins que toi et moi, hantés par de pareilles idées et qui s’en tenaient, en ces matières, à cette formule qui simplifiait tout: «la religion du Roy»? Parce qu’il est impossible d’évoquer le souvenir de ceux qu’on a aimés sans faire surgir et tourbillo